Jean Baptiste (II) Stoppa

Jean Baptiste (II) Stoppa

Jean Baptiste (II) Stoppa, fils de Jean Baptiste (I) Stoppa et de Lavinia Stoppa.

Né le 16 février 1623 à en Suisse, à Zurich, paroisse Saint-Pierre.

Zurich en 1581
Zurich 1581

Le 1er mai 1637 à Genève, Jean Baptiste (II) Stoppa entra au collège, puis il s’inscrivit à la faculté de lettres.

Il poursuivit des études à la faculté de Strasbourg et, le 15 mai 1641, à la faculté de Padoue.

Après ses études, pendant quelques années, il fut le précepteur des enfants du marquis de Montbrun, au château de Montbrun dans le Dauphiné.

Château de Montbrun.

Jean Baptiste (II) Stoppa, ayant d’autres ambitions que celle de rester précepteur des fils Montbrun, décida d’étudier la théologie dans la prestigieuse université de Leyde, Pays-Bas, pour pouvoir exercer un ministère dans la religion protestante. 

Gravure de « Leyde » par Abraham Delfos.

La compagnie des pasteurs fut très satisfaite de ses études ; lors de son examen, l’assemblée mentionna qu’« elle a été fort satisfaite de ses doctes et pertinentes solutions à toutes les difficultés proposées, et de sa grande dextérité à exposer et réconcilier les passages des Écritures… Bon en latin, bonne élocution, orthodoxe doctrine, succincte et méthodique exposition de son texte ».

En août 1652, Jean Baptiste (II) Stoppa fut gratifié de la chaire de l’Église évangélique réformée des Vaudois de Savoie réfugiés à Londres sur Threadneedle street.

Symbole traditionnel de l’Églises évangélique vaudoise.

Jean Bulteel de Douvres, ancien pasteur de Canterbury, assista à l’examen d’admission. Avec les pasteurs M. Calandrin et M. Cisner, ils procédèrent « à l’imposition des mains » sur le nouvel élu Jean Baptiste (II) Stoppa.

« L’imposition des mains », acte rarissime, donnait à Jean Baptiste (II) Stoppa une aura particulière pour exercer son ministère.

Jean Baptiste (II) Stoppa acquit rapidement une grande réputation.

Il se lia d’amitié avec John Thurloe, secrétaire et unique ministre d’Olivier Cromwell, et retint l’attention du « Lord protecteur », qui lui proposa un emploi plus lucratif : devenir son chapelain officiellement et confidentiellement son conseiller diplomatique.

Oliver Cromwell avait appris le latin dans son enfance, mais il le parlait fort mal et ne pouvait le lire facilement ; c’est Jean Baptiste (II) Stoppa qui interprétait les documents confidentiels.

Cromwell, au début de son mandat, avait envisagé de prendre la qualité de roi, et avait souhaité établir une « Compagnie » pour travailler à l’avancement de la religion protestante dans le monde, en opposition à la Congrégation de la propagande.

Gravure du « Siège de la congrégation pour l ’évangélisation des peuples » à Rome .

Appréciant les qualités de Jean Baptiste (II) Stoppa, le lord protecteur l’avait envisagé premier secrétaire de sa future « Compagnie ».

De 1654 à 1657, Jean Baptiste (II) Stoppa fut chargé, au gré de Cromwell, de missions secrètes très délicates.

En 1654, Cromwell, hésitant entre de nombreuses propositions d’alliances, missionna Jean Baptiste (II) Stoppa pour sonder l’état d’esprit des protestants de France, contacter les principaux représentants et examiner leurs ressources.

Cette mission était à haut risque ; en 1651, le colonel Sexby envoyé en France pour la même enquête avait été fait prisonnier et mis à la torture !

Jean Baptiste (II) Stoppa entreprit ce voyage qui le conduisit à Paris, sur la Loire, à Bordeaux, à Montauban, pour finir à Lyon.

Pourchassé par la police de Mazarin, qui « avait conçu un mauvais soupçon », il faillit être arrêté.

Portrait du « Cardinal Mazarin, (1602-1661) » peint par l’atelier de Pierre Mignard.

Jean Baptiste (II) Stoppa dut quitter la France avec précipitation et n’eut pas le temps de sauver ses papiers qui furent saisis.

Il visita ses compatriotes à Genève et à Bâle, où il fut emprisonné à la requête du gouverneur de la ville de Lyon ; rapidement libéré, il put continuer son périple.

En 1653, sur la route de son retour en Angleterre, il se rendit de Francfort en Hollande, puis à Spa en Belgique,

Gravure de la ville de Spa.

où il rencontra Henri Charles de La Trémoille, prince de Tarente.

Portrait gravé de « Henri II Charles de La Trémoille, (1620-16720 »
par P. Philippe.

Jean Baptiste (II) Stoppa lui demanda, au nom du lord protecteur Cromwell, si le Grand Condé envisagerait de se mettre à la tête des protestants de France, lorsqu’il serait temps d’agir pour les intérêts de la cause commune. 

« Louis II de Bourbon Condé dit le Grand Condé, (1621-1686) »,
peint par Justus van Egmont.

Monsieur de La Trémoille lui répondit qu’il fallait agir avec prudence, car dans les rangs du prince de Condé il y avait beaucoup de divisions et de jalousies, et que la corruption s’était glissée, comme partout ailleurs.

Monsieur de La Trémoille proposa que, si Cromwell se déclarait en guerre contre la France et s’il envoyait des troupes dans le Languedoc, il pourrait prendre des mesures pour aider l’action du protecteur, mesures qui seraient approuvées par le prince de Condé.

Comme ni Cromwell ni le prince de Condé et ses partisans ne voulurent faire le premier mouvement, le complot avorta; ceci, pour la gloire du roi Louis XIV et pour la destinée de Condé qui, en 1659, fit la paix avec son suzerain et devint un de ses principaux chefs militaires.

Le roi “Louis XIV ( 1638-1715)
en costume de sacre en 1648″,
peint par Hyacinthe Rigaud en 1701.

Après ce long et périlleux voyage, Jean Baptiste (II) Stoppa revint à Londres, le 12 juillet 1654, et confirma à Cromwell que « les protestants de France étaient satisfaits de leur sort, précisant que le cardinal Mazarin était plus occupé à s’enrichir et à enrichir sa famille que de chercher querelles aux protestants qui ne respectaient pas les édits avec exactitude ».

Le rapport de Jean Baptiste (II) Stoppa confirma l’opinion que Cromwell avait du prince de Condé, à savoir « qu’il sera toujours prêt à sacrifier ses meilleurs amis pourvu qu’il y trouvât son compte ».

Il décida donc de rompre toute entente, d’autant plus qu’il savait que le prince était entouré d’espions au service de Mazarin.

Jean Baptiste (II) Stoppa rapporta à son ami Gilbert Burnet l’opinion qu’avait Cromwell du prince de Condé : « Il est fou et babillard, et ses propres gens le vendent au cardinal ».

Portrait de « Gilbert Burnet , (1643-1715) »,
peint par John Riley.

Le 26 juin 1655, pour aider les églises martyres des vallées vaudoises du Piémont, Jean Baptiste (II) Stoppa envoya à la république de Genève 2 000 livres de la part de « Milord Protecteur ».

Gravure illustrant « Le massacre des vaudois qui eut lieu en 1655
dans le Piémont » .

Le 27 novembre 1655, Jean Baptiste (II) Stoppa, « fidèle espion », informa dans une lettre le conseiller d’État Thurloe qu’il avait appris d’un gentilhomme bruxellois proche du prince de Condé que le roi d’Écosse souhaitait signer des accords avec le roi de France et le cardinal Mazarin.

Il termina sa lettre en précisant : « Je serai toujours prêt à obéir à vos commandements et à vous témoigner que je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur ».

L’année suivante, les rapports entre Olivier Cromwell et le cardinal Mazarin s’améliorèrent et le cardinal chercha à s’attirer les bonnes grâces des Anglais en offrant à Jean Baptiste (II) Stoppa un « présent » de 300 livres, cadeau critiqué par Gilbert Burnet, et bien d’autres.

“Olivier Cromwell, (1653-1658)” peint par Robert Walker.

Cependant, Jean Baptiste (II) Stoppa en acceptant ce cadeau montrait un sens aigu de diplomatie ; il donnait au cardinal Mazarin un sentiment de complicité, qui lui permit de plaider pour le sort des protestants de France dans un climat moins conflictuel.

Lors de ses voyages diplomatiques en France, Jean Baptiste (II) Stoppa offrit à la reine Marie Thérèse, pour se concilier ses bonnes grâces, un singe apprivoisé !

Ce singe offert en cadeau à la reine Marie Thérèse et les 300 livres données par Mazarin furent l’objet de nombreuses et violentes critiques de la part du parti protestant.

“Marie Thérèse reine de France, (1638-1683) ” peint par Henri et Charles Beaubrun.

Son rôle de « conseil diplomatique » amenait Jean Baptiste (II) Stoppa à entretenir de nombreuses correspondances avec l’étranger et avec certains amis qui étaient au service du prince de Condé.

Un jour, il reçut une information disant qu’« un Irlandais était arrivé en Angleterre dans le dessein d’assassiner Cromwell et qu’il résidait King street dans la ville de Westminster ». 

Jean Baptiste (II) Stoppa voulut immédiatement prévenir le protecteur Cromwell de ce projet.

Le protecteur étant en conseil, il demanda à son secrétaire John Thurloe de voir « cette affaire » ; Thurloe traita l’information sans considération malgré l’insistance de Jean Baptiste (II) Stoppa.

Dépité, ayant eu confirmation de l’existence de cet Irlandais, Jean Baptiste (II) Stoppa décida d’en parler à Milord Lisle.

Portrait de “John Lisle (1610-1664).

On découvrit qu’un certain Miles Syndercomb était prêt à assassiner Cromwell près de la ville de Brantford, quand celui-ci se rendrait à Hampton Court.

Plafond du grand hall du
palais d’Hampton Court.

Cromwell, informé de ce projet d’assassinat, fut en grande colère contre Jean Baptiste (II) Stoppa, lui reprochant de ne pas lui en avoir parlé directement !

Jean Baptiste (II) Stoppa lui expliqua sa démarche auprès du secrétaire Thurloe. Ce dernier dit « qu’il n’avait pas jugé bon de déranger le protecteur pour un tel incident, ayant tout fait pour neutraliser l’assassin, et ajouta que les menaces d’assassinat étaient nombreuses et qu’il ne voulait pas importuner son maître sans de très graves raisons ».

Cet incident entacha les relations entre Thurloe et Jean Baptiste (II) Stoppa ; leur amitié en fut compromise.

L’inimitié avec Thurloe et ses liaisons trop marquées avec l’ambassadeur d’Espagne à Londres rendirent suspect Jean Baptiste (II) Stoppa aux yeux de Cromwell, qui le soupçonna d’intelligence criminelle avec cet ambassadeur et décida de rompre ses relations avec lui.

Il est certain que Jean Baptiste (II) Stoppa ne se cachait pas d’être le seul négociateur [anglais] à avoir commerce avec l’Espagne.

Cromwell mourut le 3 septembre 1658, victime d’une septicémie due à une infection urinaire.

Masque funéraire d’Olivier Cromwell.

Jean Baptiste (II) Stoppa continua de résider à Londres après la mort de Cromwell, s’impliquant dans l’Église réformée française de Londres.

Façade de l’église reformée française de Londres.

Le 3 avril 1660, il reçut une lettre de monsieur Charles Drelincourt, pasteur du temple de Charenton près de Paris, l’informant que des soupçons sur l’orthodoxie religieuse du roi Charles II circulaient à Paris.

« Certains voulurent le faire passer pour catholique pratiquant, et qu’une fois sur le trône il ruinerait la religion protestante. »

Il mit en garde Jean Baptiste (II) Stoppa, qu’il appelait monsieur Stoupe, que ces médisances pourraient faire échouer le sacre.

Cette lettre confirmait combien Jean Baptiste (II) Stoppa était non seulement hautement considéré mais aussi un personnage incontournable dans les relations diplomatiques franco-anglaises.

Le 18 juin 1660, quelques semaines après le rétablissement sur le trône d’Angleterre de Charles II, Jean Baptiste (II) Stoppa, seul pasteur en fonction dans l’Église réformée française de Londres, harangua le souverain.

Son rôle et ses liens avec « l’usurpateur » défunt rendirent son discours particulièrement délicat.

Jean Baptiste (II) Stoppa dut envisager une probable disgrâce, car il prit un congé temporaire en septembre 1660 pour se rendre à Genève, où la vénérable Compagnie lui offrit la chaire de saint Pierre.

Gravure du “Temple de Saint-Pierre à Genève avant 1750” , réaliser par Pierre Escuyer.

Le 30 septembre, il y siégeait.

Sage décision, car son passé, ses absences (il fit deux voyages à Genève cette année-là) et les graves rivalités entre l’Église réformée française de Londres et l’Église conformiste contribuèrent à son bannissement.

En 1664, Jean Baptiste (II) Stoppa séjourna au temple de Charenton, près de Paris,

Gravure du “temple protestant de Charenton-le-Pont” en 1623.

et publia la traduction du sermon de Richard Baxter sur la parabole de l’invitation aux noces écrite par saint Mathias.

« Richard Baxter, ( 1615-1691)», peint par Robert White.

Le 25 septembre 1665, monsieur François Mouslier, député résident de la France en Suisse, sûrement pour complaire à son ami Pierre Stoppa, dont il fut le témoin lors de son mariage, proposa au roi Louis XIV Jean Baptiste (II) Stoppa comme secrétaire interprète de sa majesté auprès des grisons, en remplacement de Laurent Tschudi, qui venait de décéder.

Gravure de “Louis XIV” , par Nicolas Pitau en 1670.

Dans le courant de l’année 1666, Jean Baptiste (II) Stoppa traduisit en français le livre de Richard Baxter « La voix de Dieu, qui appelait les pécheurs à la repentance » ; l’ouvrage fut publié à Genève.

Ce fut à cette époque qu’il se convertit à la religion catholique, peut-être plus par opportunisme que par conviction.

Le révérend David C. A. Agnew dans son ouvrage « Protestant exiles from France »mentionna que Jean Baptiste (II) Stoppa n’aurait pas abjuré.

Encouragé par son frère Pierre Stoppa, il décida de faire carrière dans les armes.

Fin 1667, sur recommandation de la reine Marie Thérèse d’Autriche, il devint capitaine d’une compagnie franche de 200 hommes au service de la France, fonction qu’il conserva jusqu’au début 1672.

Le cadeau d’un petit singe qu’il fit à sa majesté lorsqu’il était « espion » de Cromwell dut être fort apprécié !

Le 17 février 1672, Jean Baptiste (II) Stoppa fut nommé lieutenant-colonel du régiment que son frère Pierre venait de lever.

Il servit en Hollande et participa à la prise d’Utrecht.

À Utrecht, Jean Baptiste (II) Stoppa établit ses quartiers avec son frère Pierre Stoppa, gouverneur de la ville, chez madame Rodenborgh, près du cimetière Saint-Jean.

Jean Baptiste (II) Stoppa, en tant que premier lieutenant-colonel du régiment Stoppa, combattit durement dans la province.

Sa carrière militaire et sa position d’officier supérieur dans le régiment de son frère n’éloignèrent jamais Jean Baptiste (II) Stoppa de la littérature, de toute sorte de littérature !

Lors de son séjour à Utrecht, il fut accusé d’avoir subtilisé un livre licencieux « De laudibus Sodomiae », écrit par un italien Giovanni Della Casa. Ce livre avait été offert à la bibliothèque de la ville par Gijsbert Voetius.

La question fut posée : qui était le plus blâmable, celui qui avait offert le livre ou celui qui le subtilisa à cette bibliothèque ?

Le 2 mai 1673, lorsqu’un théologien de Berne lui reprocha de servir sous la bannière d’un souverain catholique dans une guerre entreprise contre d’autres protestants, Jean Baptiste (II) Stoppa, théologien réputé lors de ses premières années à Londres, écrivit, entre le 4 et 19 mai, un traité très critique à l’égard les Hollandais : « La religion des Hollandais ».

Cet ouvrage, qualifié par certains de pamphlet, démontrait que les Hollandais, qu’il appela les « nouveaux hérétiques », n’étaient guère de la « Religion » : « Les Hollandais n’étaient pas de vrais réformés, et fussent-ils les meilleurs réformés du monde, l’intérêt même de la Réforme aurait exigé qu’ils se joignissent au roi de France dans la lutte contre les tenants du pouvoir des Provinces-Unies ».

En 1675, Monsieur Jean Brun, qui avait fortement critiqué Jean Baptiste (II) Stoppa pour avoir accepté des cadeaux de Mazarin et de la reine Anne d’Autriche, a réfuté son ouvrage, en écrivant « La véritable religion des Hollandais, avec une apologie pour la religion des États-Généraux des Provinces-Unies ».

Le 7 novembre 1673, Jean Baptiste (II) Stoppa quitta Utrecht avec le régiment Stoppa.

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Aux côtés du prince de Condé, il participa à la bataille de Seneffe au mois d’août 1674, puis en 1675, aux batailles de Liège, de Dinant, de Huy et de Limbourg, et en 1676, aux sièges de Landrecy, de Condé-sur-L’Escaut et de Saint-Ghislain.

“Bataille de Seneffe”, peint par Adam Frans van de Meulen.

Le 28 janvier 1677, il reçut du roi Louis XIV un brevet pour former un régiment composé de huit compagnies franches de deux cents hommes, et en fut nommé le colonel ; ce fut le premier régiment suisse, non avoué, qui servit la France.

Ce régiment fut appelé Jeune-Stoppa pour le distinguer de celui de son frère Pierre nommé Vieux-Stoppa.

Sa devise fut : « Brave et solide » (Fortiter resistendo).

Le 10 février 1677, les forces françaises ayant besoin de renouveler leurs troupes en Sicile, Jean Baptiste (II) Stoppa reçut l’ordre du roi de faire marcher la compagnie colonelle de son régiment de Marseille à Toulon pour rejoindre les sept autres compagnies de son régiment.

Il s’embarqua à la tête des deux premiers bataillons de Toulon pour la Sicile le 9 avril 1677 ; il était sous les ordres du maréchal Louis Victor de Rochechouart, duc de Vivonne, et de ceux du célèbre vice-amiral Abraham Duquesne.

Jean Baptiste (II) Stoppa et son régiment débarquèrent le 26 avril à Messine et allèrent aussitôt renforcer la garnison de Taormine, qu’ils secoururent avec succès.

« Taormine vue du Mont Vénère ».

Habituellement, les régiments suisses donnaient l’image de troupes parfaitement disciplinées, ce qui ne fut pas le cas de celles du régiment Jeune-Stoppa. Il y eut durant la campagne de Sicile, notamment à Messine, de nombreux cas de désordres causés par le régiment Jeune-Stoppa.

Était-ce parce que ce régiment était composé de compagnies franches (non avouées par les cantons) ? Était-ce que l’urgence de la levée ne permit pas de faire une sélection sévère parmi les hommes enrôlés, car nombre d’entre eux étaient d’anciens déserteurs, et même des prisonniers, de langue allemande, qui furent contraints par une pression plus ou moins brutale à s’engager?

À leur arrivée dans la ville, les suisses qui avaient d’abord provoqué l’admiration par leurs belles tenues et leurs aspects martiaux, devinrent vite le cauchemar de la population à cause de leur insolence et de leur ivresse.

Ces comportements entraînèrent des rixes et on dut recourir à des patrouilles de mousquetaires français pour assurer le calme et la sécurité des habitants.

“Mousquetaires de la maison du roi “, gravure 1663.

Lors de cette campagne, le colonel Jean Baptiste (II) Stoppa fut également critiqué ; les Messinois, très attachés au catholicisme, craignirent que les troupes suisses et leur colonel, tous d’origine protestante, prônassent la liberté de religion et bouleversassent les convictions religieuses de la population.

À Messine il résidait au Palais et fut accusé d’enseigner la nécromancie et de payer ses élèves qui venaient l’écouter !

Gravure “La sorcière d’Endor ” d’après Joseph Glanvill.

Jean Baptiste (II) Stoppa devait avoir un caractère digne du dieu Janus car, pendant cette campagne, il fut qualifié, dans les lettres écrites à Louvois, par l’intendant de police finances et vivres des armées du roi, Charles du Monceau de Nollent, « de fort méchant personnage », et par François III d’Aubusson, duc de La Feuillade, « d’homme de très bon esprit ».

Buste romain du Dieu Janus, musée du Vatican.

Jean Baptiste (II) Stoppa et son régiment revinrent en France au printemps 1678. Ils embarquèrent le 20 mars de Messine, le voyage fut particulièrement périlleux, la tempête rejeta le navire sur la côte de Tunisie. Ils durent faire relâche pendant trois jours dans le port de Tunis avant de reprendre la mer et d’arriver à Toulon le 11 avril, sains et saufs.

Gravure ” Port de Tunis” en 1690.

L’intendant Lenfant mentionna que le régiment revenait « plus fort qu’il n’y était allé ». Le régiment de Jean Baptiste (II) Stoppa comptait alors 1 178 hommes « sains » sur un effectif estimé de 1 500, et Montauban précisait « qu’ils étaient meilleurs que lorsqu’ils arrivèrent en Sicile ».

Le 8 mai 1678, Jean Baptiste (II) Stoppa et son régiment gagnèrent les Flandres à marche forcée. Il était à la tête de deux bataillons, formés par huit compagnies de deux cent hommes chacune.

Son frère, Pierre Stoppa et le régiment Vieux-Stoppa furent également engagés dans les batailles de l’été 1678, sous les ordres du maréchal de Piney- Luxembourg.

“François Henri de Montmorency- Luxembourg, duc de Piney-Luxembourg, (1628-1695)”.

Au siège de Mons, ville occupée alors par les Espagnols, Jean Baptiste (II) Stoppa combattit les troupes de Guillaume III d’Orange

“Guillaume III d’Orange-Nassau”, peint par Willem Wissing.

venues secourir les assiégés, les 14 et 15 août 1678, lors de la bataille de Saint-Denis (Mons).

Gravure “Bataille de Saint-Denis” .

Il se couvrit de gloire dans cette bataille, qui fut l’une des plus violentes de toute la guerre de Hollande, avec près de 7 000 victimes.

En 1679, le régiment Jeune-Stoppa fut augmenté d’un troisième bataillon formé par une compagnie de Fribourg, une de Neuchâtel et de deux provenant des Trois Ligues.

Jean Baptiste (II) Stoppa maintenait un niveau très élevé de tenue et d’armement pour son régiment ; dans les années 1680 et 1681, toutes les compagnies de son régiment furent avouées par les divers États suisses.

Lors d’une prise d’armes, le 25 mai 1680, Louvois, dans une lettre adressée au roi Louis XIV, mentionna « que, lors d’une prise d’armes dans la plaine du Mont-Louis, Pyrénées-Orientales, il y avait 3 700 à 3 800 hommes, bien armés et bien habillés. Parmi cette belle troupe, il y avait quatre compagnies du régiment Jeune-Stoppa, qui étaient plus belles qu’aucune du régiment des Gardes suisses ».

Le 24 mars 1684, Jean Baptiste (II) Stoppa fut promu brigadier et sous les ordres du maréchal Bernardin Gigault, marquis de Bellefonds, il se trouva au combat du Pont-Major, puis la même année au siège et à l’assaut de Gérone, Espagne ; il finit cette campagne dans le Lampourdan, Pyrénées.

« Bernardin de Gigault, marquis de Bellefonds, (1630-1694) »
peint par Joseph Albrier .

Jean Baptiste (II) Stoppa fut un militaire « de terrain », s’engageant physiquement lors des combats, comme le furent de nombreux officiers engagés dans les armées royales, mais ce qui était beaucoup plus surprenant, c’était de constater qu’il garda toujours sa passion pour la littérature et que sa curiosité intellectuelle ne faiblit jamais.

En février 1685, il écrivait à monsieur Wetstein, libraire à Amsterdam, afin qu’il lui procurât « tous les livres nouveaux qu’il avait, tant en latin qu’en français, de toutes sortes de matières et surtout des affaires d’État et de politique et de théologie et, entre ceux de théologie, des livres nouveaux des arminiens et des sociniens ».

Au lendemain de la révocation de l’édit de Nantes en 1685, Louvois, qui appréciait beaucoup les Stoppa, constatant que Jean Baptiste (II) Stoppa était toujours de la « religion réformée », lui conseilla de s’éloigner quelque temps ; c’est à cette époque qu’il alla à Rome avec son ami le futur évêque de Salisbury, monseigneur Burnet, où ils furent reçus en audience par le pape Innocent XI.

Le 11 août 1685, lors de son passage dans la ville de Genève, le Conseil lui rendit les honneurs en considération de ses bons offices.

En mai 1687, il était au camp de Maintenon, et en 1688 à Bonn sur le Rhin.

Le 10 avril 1689, il fit des prodiges de valeur militaire à la tête de sa brigade dans les Ardennes, et cantonna à Douai, Béthune et Aire.

Le 1er juillet 1690 en Belgique eut lieu la bataille de Fleurus, Jean Baptiste (II) Stoppa à la tête de sa brigade, composée des régiments Vieux-Stoppa et Jeune-Stoppa, se distingua lors des affrontements ; ses deux régiments se trouvaient au centre de la deuxième ligne, derrière les Gardes françaises.

Jean Baptiste (II) Stoppa et son neveu Jean Baptiste (III) Stoppa firent partie des blessés de cette terrible bataille.

« Bataille de Fleurus, le 1er juillet 1690 » ,
peint par Pierre Denis Martin.

En 1690, Jean Baptiste (II) Stoppa fut l’auteur d’un mémoire intitulé « Justification des colonels du pays des Grisons qui servent la France », ce mémoire, imprimé à Paris, fut adressé aux « Trois Ligues grises » pour répondre aux critiques venant des grisons contre son régiment.

Page de garde du mémoire de Jean Baptiste Stoppa adressé aux
“Trois Ligues grises”.

Les Ligues grisonnes avaient sommé Jean Baptiste (II) Stoppa de ne pas se battre contre les troupes espagnoles et de revenir au pays des Grisons.

Dans son mémoire, Jean Baptiste (II) Stoppa écrivit : « Vous savez que je ne suis pas né ni élevé dans le pays et que je n’y ai presque fait aucun séjour ; il y a trente années que je me suis établi en France, que je considère à présent comme ma Patrie. Il y a vingt-quatre ans que je sers le Roi. Je vous demande, Messieurs, si je puis ou si je dois quitter un établissement si considérable pour me retirer dans un pays où je vivrais sans emploi et sans occupation dans une triste solitude ».

Le 3 août 1692 eut lieu la bataille de Steinkerque durant laquelle la conduite des soldats des régiments suisses fut exemplaire, confirmant leur courage et leur dévouement au service de la France.

« Bataille de Steinkerque » Estampe du XVII ème siècle .

Le colonel Stoppa fut blessé, eut le poignet fracassé, et avec lui 19 autres officiers ; 613 sergents et soldats furent frappés dont 242 mortellement.

(Son cousin, Alexandre Louis François Stoppa fut également blessé au poignet lors de cette même bataille.)

Le 23 août 1692, Jean Baptiste (II) Stoppa mourut à Mons, en Belgique, des suites de la blessure reçue lors de la bataille de Steinkerque, où il s’était distingué par sa bravoure.

Jean Baptiste (II) Stoppa, à la veille de sa mort, a sûrement dû reconsidérer son apostasie et reconnaître que sa religion était protestante, car il fut enterré non pas en terre consacrée, mais sous les remparts de la ville de Mons.

Jean Le Clerc, qui fut contemporain et en relation épistolaire avec Jean Baptiste (II) Stoppa, mentionna dans son ouvrage « Bibliothèque ancienne et moderne » que Jean Baptiste (II) Stoppa lui parlait de son souci de se procurer des livres de théologie bien éloignés de ceux publiés par l’Église de Rome.

Gravure “Jean Le Clerc (1657-1738)”,
publiée en 1657.

Il mentionna également qu’un ministre suisse qui avait assisté à la mort de Jean Baptiste (II) Stoppa l’avait assuré qu’il était mort « réformé ».

Si la vie de Jean Baptiste (II) Stoppa est bien documentée en ce qui concerne ses carrières diplomatique et militaire, qui ont fait l’objet de nombreux écrits, elle l’est peu sur son ou ses mariages.

Seuls quelques généalogistes mentionnent qu’il fut marié et eut des enfants issus de ses mariages successifs avec les deux filles, nées du mariage de Paul Diederman de La Rianderie avec Hélène Ricourt : Louise Marthe et Charlotte.

Hélas, aucun des documents consultés relatifs aux familles Stoppa et Diederman de La Rianderie ne mentionne ses mariages avec Louise Marthe et Charlotte Diederman.

Par conséquent, l’éventualité de ces mariages n’est pas retenue, et le mariage de Jean Baptiste (II) Stoppa avec une dame Anne Brunet est privilégié.

Le registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse Saint-Eustache, mentionne :

Gravure de l’ancienne façade de l’église Saint-Eustache au XVI ème siècle.

1ère mention, « Décès d’Anne de Brunet, veuve de J. B. de Stouppe, colonel suisse, le 10 mai 1696, et portée aux augustins déchaussés (Saint-Eustache)».

2 ème mention, « 11 mai 1696, vendredi, C. E. [convoi d’enterrement] de dame Anne de Brunet, veuve de messire Jean Baptiste de Stouppe, chevalier, colonel d’un régiment suisse et brigadier général des armées du roy, demeurant rue Notre-Dame-des-Victoires, se fit à 6 heures du soir, en église de Saint-Eustache de Paris. Elle est inhumée en la paroisse de Saint-Eustache. »

3 ème mention, « Remarque 147 du 11 mai, Anne de Brunet. Elle était, je crois, de Lyon. Elle avait 60 et (illisible) d’années, n’a esté que 4 à 5 jours malade. Elle est inhumée dans la cave des augustins déchaussés avec les religieux. Elle n’avait point de carrosse et laisse bien du bien. Elle a une fille unique qui a un œil de verre, est bossue et fort laide. Elle était bonne amie de Mme. de Widhmer, femme du capitaine de Widhmer, habitant  rue du Four, quartier Saint-Eustache. Elle ne laisse que deux mille livres de rente à sa fille, laisse considérablement à ses domestiques. Elle laisse 80 000 francs à Madame de La Coudraye. »

En confirmation du registre Baptêmes, Mariages, Sépultures, messieurs les abbés Edmond Lambert et A. Buirette, auteurs de « Histoire de l’église de Notre-Dame-des-Victoires » , précisèrent qu’un caveau, situé sous le grand autel, était réservé d’un côté pour la sépulture des religieux, de l’autre pour des personnes séculières.  

De ce côté, il y avait des petites niches dans le mur pour y déposer les cœurs de ceux qui le demandaient.

Dans la liste des personnes ayant bénéficié de ce privilège, il fut mentionné : « dame Anne Brunet, veuve de Jean Baptise Stoppa, chevalier, colonel du régiment suisse d’infanterie et brigadier général des camps et armées du roi, déposée le 11 mai 1696 ».

Plaque à l’entrée de la nef de la basilique Notre-Dame-des-Victoires de Paris.

Jean Baptiste (II) Stoppa fut donc marié et eut une fille.

Jean Baptiste (II) Stoppa avait-il eu également un fils ou un petit-fils appelé Pierre Stouppe ?

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