Pierre Stoppa (Pasteur)

Pierre Stoppa (pasteur)

Parmi les Stoppa qui eurent une vie remarquable, on doit citer un Pierre Stoppa (ou Stouppe),

pasteur des églises de Charleston (Sud Caroline) et de New Rochelle (New york).

Tous les auteurs qui ont mentionné dans leurs ouvrages Pierre Stoppa (ou Stouppe) écrivirent qu’il était le fils ou le petit-fils de Jean Baptiste (II) Stoppa.

Jean Baptiste (II) et Pierre furent, à des époques différentes, tous deux élèves en théologie à l’université calviniste de Genève, et tous deux furent recommandés par l’Église francophone de Londres ; cependant, aucune généalogie crédible ne fait de liens entre les deux, des recherches restent à faire…

Pierre Stoppa (ou Stouppe) naquit en France en 1690, étudia la théologie à l’université calviniste de Genève et fut pasteur de l’Église presbytérienne en France.

En 1717, il fut recommandé par la « Threadneedle street Church in London », qui appréciait ses qualités de prêcheur et son orthodoxie religieuse, pour devenir le pasteur de l’église francophone et indépendante du quartier Orange à Charleston, en Caroline du Sud.

Façade de l’église reformée française de Londres.
Carte de la Caroline du Sud, à l’époque coloniale.

Cette paroisse regroupait les premiers émigrés français en Caroline du Sud.

“La maison rose”, construite entre 1694 et 1712, dans la paroisse du quartier d’Orange, à Charleston.

Pierre Stoppa épousa Magdeleine Poitevin, fille d’Anthony Poitevin et de Marguerite de Bourdeaux, natifs de France et émigrés en Caroline du Sud.

Ils eurent un enfant (qui dut décéder jeune).

En 1719, il délaissa la paroisse du quartier Orange pour devenir le pasteur de l’église protestante officielle de Charleston.

Église épiscopale de “Saint-André”
Charleston SC, construite en 1706.

Fin 1723, il démissionna de cette fonction pour se conformer aux dogmes de l’Église d’Angleterre.

Avec son épouse et son enfant, il se rendit en Angleterre pour être nommé diacre puis ordonné prêtre par le révérend Docteur Edmund Gibson, évêque de l’Église anglicane de Londres, le jour de Noël 1723.

Portrait de”Edmund Gibson, (1669-1748), Peint par John Vanderbank.

Devenu prêtre de l’Église officielle d’Angleterre, il bénéficiait de la protection et de l’aide de la « Society for Propagation of the Gospel » (SPG), le bras armé des missionnaires de l’Église anglicane, également appelé « Propagation Society » ou la « Venerable Society’s missionary ».

Sceau de la “Society for the propagation of the Gospel in Foreign Parts” en 1701.

Il fut décrit « comme affable, courtois, prudent et circonstancié en affaires, sobre et pieux dans sa vie et dans son entourage. Il fut un zélé propagateur de la foi du Christ ».

Son adhésion à l’Église officielle ne modifia pas sa foi originelle, car il continua à prêcher les mêmes thèmes que lorsqu’il était pasteur évangélique.

Sa capacité de prêcher en français, sa connaissance de la vie dans les colonies anglaises d’Amérique lui valurent d’être envoyé dans la paroisse francophone de New Rochelle dans l’État de New York.

Carte de l’état de New york à l’époque coloniale.

En juillet 1724, Pierre Stouppe arriva aux colonies.

Le SPG lui alloua un salaire de 50 livres par an, et le gouverneur de l’État de New York, monsieur Burnet, officialisa sa commission de révérend de l’église anglicane de New Rochelle.

Le 12 octobre 1724, il dut répondre, comme chaque pasteur missionnaire le devait, à un questionnaire composé de dix-sept questions que l’évêque de Londres avait envoyé au clergé colonial.

Ses réponses à ce questionnaire ont permis de connaître la situation de la paroisse de New Rochelle au début du XVIII ème siècle. 

Parler de « guerre de religions » dans les colonies américaines aux XVIII ème siècle serait exagéré, mais il y eut cependant de lourdes rivalités entre les émigrés anglais et ceux venus des autres pays européens.

Les uns adhéraient à la religion officielle anglaise et étaient anglicans, les autres prônaient la religion protestante de l’origine.

La décision prise en 1723 par Pierre Stouppe d’abandonner sa religion première pour devenir pasteur de l’Église d’Angleterre fut fortement critiquée par le « clan des Français », qui considérait que l’Église anglicane et celle de Rome avaient une liturgie et des cérémonies similaires.

Le 12 mai 1725, il écrivit à la vénérable société des pasteurs anglicans pour se plaindre du comportement de monsieur Moulinars, pasteur français de New York, qui venait régulièrement dans sa paroisse pour critiquer son sacerdoce, enjoignant les fidèles à contester l’Église anglicane, disant que « l’Église anglicane et celle de Rome étaient le même poison » !

En 1740, il écrivit plus de soixante-quinze sermons en français (nombre qui fait référence dans la collection des sermons écrits pour les protestants anglais en Amérique), mais ceci lui fut fortement reproché par le révérend James Orem, chapelain de l’armée au Fort de New York, qui demanda, en 1742, sa démission afin de le remplacer par un pasteur prêchant en anglais.

Le révérend James Orem mentionna que sur quatre-vingts familles, trente-quatre ne comprenaient pas le français !

En 1743, excédé par les antagonismes entre ses paroissiens, Pierre Stouppe décida de partir pour l’Angleterre, afin de présenter sa démission de pasteur de New Rochelle.

Conformément aux souhaits de cinquante-six fidèles, Pierre Stouppe emporta avec lui une lettre qu’ils avaient écrite le 1er juin 1743 à l’attention de la « Venerable Propagation Society » de Londres, précisant la situation et suppliant les hauts responsables de la Society de convaincre leur pasteur de revenir sur sa décision de les abandonner.

Ils expliquaient que Pierre Stouppe, « pour se conforter avec les autorités religieuses, avait décidé de prêcher deux dimanches en français puis le suivant en anglais, que sa prononciation était claire et compréhensible et que la majorité des paroissiens l’appréciait ».

L’évêque de Londres, respectueux de l’opinion des paroissiens de New Rochelle, convainquit Pierre Stouppe de continuer son ministère en la paroisse de New Rochelle.

Pierre Stouppe resta à New Rochelle, son sacerdoce ne fut pas que spirituel, il s’efforça de participer à l’éducation des enfants de la paroisse et faute d’instituteur il s’attribua cette fonction et créa une école.

Ses qualités d’enseignant furent très appréciées, et des familles de huguenots connus et aisés lui demandèrent d’enseigner à leurs fils.

Il reçut en pension de jeunes élèves, parmi les plus connus Philip Schuyler et John Jay.

Richard B. Morris, éditeur du manuscrit « John Jay, the making of a revolutionary », écrivit : « John Jay a été envoyé à l’école de New Rochelle, dirigée par le révérend Peter Stouppe, un excentrique pasteur suisse de la congrégation française et anglican ».

Le fils de John Jay, dans la biographie de son père (qui fut l’élève de Pierre Stouppe de 1753 à 1756), le décrivit ainsi :

« Natif de Suisse, ignorant le monde de l’argent et celui de la façon de paraître, pour se consacrer aux études et plus particulièrement aux mathématiques, vivant dans le dénuement, avec peu de nourriture ».

« Qu’à la New Rochelle, tout le monde parlait français, ce qui permit à son père, John Jay, d’apprendre la langue française dans une totale immersion et que sa connaissance de la langue française l’aida quand il fut envoyé en délégation à Paris pour signer le traité de Londres, traité devant harmoniser les rapports entre les belligérants suite à la guerre d’indépendance, 1775-1783 ».

Tableau de “George Washington, (1732-1799), traversant le Delaware”, peint par Emanuel Leutze.

Les pensionnaires aisés ne furent pas les seuls à recevoir une bonne éducation, de simples jeunes paroissiens, filles et garçons, en bénéficièrent également.

Il a été constaté que, dès le milieu du XVIII ème siècle, la majorité des habitants de New Rochelle étaient capables de signer leur nom et de lire les textes religieux et officiels.

Le 16 juin 1756, Pierre Stouppe écrivit que « la paroisse continuait de prospérer, qu’il faisait de nombreux offices soit en français soit en anglais ; que le nombre de pratiquants était en augmentation et qu’il avait procédé, dans les douze derniers mois, aux baptêmes de trente-quatre Blancs et six Noirs ».

Le 5 juin 1758, il déplora, dans son rapport annuel, que la guerre entre les troupes anglaises et françaises, mobilisait de nombreux paroissiens et que de nombreux mouraient lors des combats.

Il mentionna cependant que le nombre de ses pratiquants n’avait pas changé et qu’il continuait à baptiser des Blancs comme des Noirs.

Arrivé au crépuscule de sa vie, en 1759, il fut paralysé et incapable de continuer son travail, sauf de procéder aux baptêmes et mariages de chez lui.

Et en juillet 1760, il décéda à New Rochelle, après avoir exercé son sacerdoce pendant 37 ans.

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