Pierre Stoppa

Pierre Stoppa

Pierre Stoppa, fils de Jean Baptiste (I) Stoppa et de Lavinia Stoppa. 

Né en juillet 1619, à Sento ou Sent village de la Basse-Engadine, dans le pays Grisons. Il était le petit-fils de Nicolò Stoppa, médecin à Chiavenna.

Basse Engadine.

Une attestation des Trois Ligues, datée du 22 août 1647, mentionne que Pierre Stoppa naquit à Sento en Basse-Engadine, Suisse ; le même document précise qu’il était le fils de Jean Baptiste (I) Stoppa et de dame Marie Lavinia de Stupanis.

Blason des Trois ligues.

Il eut trois sœurs, Catherine, Jeanne et Lavinia et trois frères, Nicolas (II)Jean Baptiste (II) et Claude.

En 1624, toute la famille quitta le pays des Grisons pour la ville de Lyon.

À Lyon, Pierre Stoppa connut la vie austère mais très enrichissante des familles bourgeoises protestantes.

Cependant, il ne fut pas intéressé par les affaires familiales et préféra tout jeune suivre l’exemple de son cousin Jean Antoine Stoppa qui était capitaine de compagnie dans un régiment suisse. 

Pierre Stoppa commença sa carrière militaire en 1636 comme cadet dans la compagnie franche au service de la France que son cousin Jean Antoine Stoppa avait levée en 1632.

Un an après son incorporation, il obtint de porter le drapeau de cette compagnie et, en 1640, il fut nommé lieutenant et participa à toutes les campagnes de cette compagnie avec dévouement et héroïsme.Le 1er juin 1648, la compagnie de Jean Antoine Stoppa fut incorporée, à titre de demi-compagnie, dans le prestigieux régiment des Gardes suisses.

Le 8 août de cette même année, lors de la revue des troupes près de Crémone, Italie, Jean Antoine Stoppa en fut nommé capitaine et Pierre Stoppa en reçu le commandement, car son cousin promu à cette époque gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, ne pouvait plus la commander personnellement.

Pierre Stoppa commanda cette demi-compagnie jusqu’à la mort de son cousin Jean Antoine Stoppa, tué au siège de Coucy-le-Château dans l’Aisne en 1652.

Coucy-le Château.

Dès les premiers épisodes de la Fronde, Pierre Stoppa, comme tous les officiers des régiments suisses, fut du parti du roi. 

Louis XIV vainqueur de la Fronde, huile sur toile attribuée à Charles Poerson.

Sa fidélité, en cette période où la trahison était courante, le fit apprécier du jeune roi, qui avait bien du mal à compter ses serviteurs loyaux.

En 1652, au décès de Jean Antoine Stoppa, Pierre Stoppa perdit le commandement de la compagnie de son cousin ; le maréchal de Schomberg, colonel général des régiments suisses et grisons, préféra la confier à Jean Tscharner de Berne.

“Le maréchal Charles de Schomberg (1601-1656)”, peint par Jean Sébastien Rouillard.

Pierre Stoppa qui à cette époque était « bien en cour » pour avoir rendu divers services pendant la guerre civile se plaignit de ce passe-droit et, en novembre 1652 à Pontoise, il obtint du roi Louis XIV l’agrément de lever une demi-compagnie au régiment des Gardes suisses, avec commission de capitaine.

Le roi “Louis XIV (1638-1715)
en costume de sacre en 1648″ ,
peint par Hyacinthe Rigaud en 1701.

Le 25 août 1654, Pierre Stoppa s’illustra lors de la contre-attaque menée par le maréchal de Turenne, qui portait secours aux troupes françaises cantonnées à Arras. Il fut nommé lieutenant-colonel à la suite des prodiges de valeur qu’il démontra lors de cette bataille.

“Henri de la Tour d’Auvergne,
Vicomte de Turenne, (1611-1675)”,
peint par l’atelier de Philippe de Champaigne.

Après la campagne de 1655, Pierre Stoppa revint en France et commença à acheter des terrains à Héricy.

Un de ses amis, Jean François de Watteville, qui était également officier dans le régiment des Gardes suisses, avait une résidence « Les grandes maisons » en bord de Seine, dans le village d’Héricy.

Pierre Stoppa appréciait l’endroit, qui avait l’avantage d’être proche de Fontainebleau, où de nombreux soldats suisses restaient cantonnés. 

Il lui fallut de nombreuses années pour constituer son domaine, puisque ses dernières acquisitions de terrains datèrent du 28 juin 1690. La demi-compagnie de Pierre Stoppa, qu’il avait levée en novembre 1652, fut réunie en 1657 avec l’ancienne demi-compagnie de son cousin, Jean Antoine Stoppa pour former une seule compagnie.

Le 2 juillet 1657, il commanda une tranchée lors du siège de Montmédy, Ardennes.

“Plan et perspective de Montmédy” , réalisé par Alain Manesson Mallet.

En septembre 1658, il fut gratifié de la commission de colonel en récompense de ses services lors de la bataille des Dunes et du siège de Dunkerque, « où il eut une grande part aux lauriers ».

« La bataille des Dunes » peint par Charles Philippe Larivière.

Pierre Stoppa bénéficia alors de la récente décision royale : le 1er février 1658, sa majesté Louis XIV autorisa les soldats suisses servant dans ses armées de pouvoir obtenir toutes les charges et grades militaires sans exception aucune ; jusqu’alors les officiers suisses servant en France ne pouvaient dépasser qu’exceptionnellement le grade de commandant de régiment.

Sa valeur d’officier reconnue, sa promotion au grade de colonel fit entrevoir à Pierre Stoppa d’autres opportunités que celle militaire.

La vie de cour lui seyait, grand admirateur et serviteur du roi, il souhaitait se voir confier des missions militaro-diplomatiques dans son pays de naissance, la Suisse. 

En 1659 il accompagna le roi Louis XIV en Guyenne et en 1660 à Avignon, ce qui lui permis de soumettre à sa majesté son souhait.

Pour consolider sa position vis à vis de ses coreligionnaires, Pierre Stoppa demanda et obtint le droit de bourgeoisie de la ville de Bâle le 15 juillet 1659.

Gravure de Bâle vers 1648.

Souhaitant également être reconnu bourgeois de la ville de Coire, capital du pays des Grisons, berceau de sa famille où il fallait être propriétaire foncier il acquit une maison avec un verger devant la porte inférieure de la ville sur la route de Masan en 1660.

Photo de la maison des Stoppa à Coire.

C’est à cette même période que Pierre Stoppa se rendit compte que la religion de son enfance pouvait être un frein à sa carrière militaire et desservir ses projets matrimoniaux…

Il embrassa la religion catholique dans les années 1659-1660.

Certains pensèrent, peut-être à raison, que c’était par opportunisme, d’autres que ses convictions religieuses avaient changé depuis son enfance, ou bien que cette conversion était due à l’amour.

Car c’est à cette époque qu’il rencontra une jeune veuve Anne Charlotte de Gondi.

Ce fut le coup de foudre !

Le marquis de Dangeau écrivit dans son « Journal » que Pierre Stoppa l’avait épousée par amour !

“Philippe de Courcillon,
marquis de Dangeau, (1638-1720″,
peint par Hyacinthe Rigaud.

Il ne se trompait pas ; toute sa vie, le couple resta uni, contribuant chacun aux succès de leurs ambitions, tant professionnelles que charitables.

Ils décidèrent de se marier et, le 9 janvier 1661, rédigèrent leur contrat de mariage en la maison du sieur François Mouslier, ami de Pierre Stoppa.

Son épouse Anne Charlotte de Gondi naquit vers 1630, elle était la fille bâtarde du baron Jean Baptiste de Gondi et de la demoiselle Anne du Costez (Costé).

Elle fut légitimée en juin 1662 et les lettres de légitimation furent enregistrées le 15 décembre 1662.

Anne Charlotte de Gondi était veuve de Louis François Colbert de Saint-Marc, arrière-petit-cousin du « Grand Colbert », Jean Baptiste Colbert.

“Jean-Baptiste Colbert (1619–1683)” ,
peint par Philippe de Champaigne.

Ce mariage d’amour contribua à l’intégration de Pierre dans la vie de cour de Versailles.

“Réparation faite à Louis XIV par le doge de Gênes”, peint par Claude-Guy Hallé.

Le cousinage d’Anne Charlotte avec le cardinal de Retz et les relations privilégiées qu’elle entretenait avec madame de Maintenon furent des leviers indéniables.

Portrait du “cardinal de Retz”, peint par Jacob Ferdinand Voet (1676).
“Madame de Maintenon”, peint par Pierre Mignard.

Anne Charlotte de Gondi avait un frère, Jérôme de Gondi, qui reconnaissait avec quelques aigreurs que sa soeur et son mari, Pierre Stoppa, étaient plus connus que lui !

Les qualités militaires et les talents de meneur d’hommes de Pierre Stoppa lui permirent d’obtenir non seulement les bonnes grâces d’Eugène Maurice de Savoie-Carignan, colonel général des régiments suisses, mais également celles de Louvois.

En 1662, Pierre Stoppa voyagea avec le roi à Marseille et acheta, cette même année le 22 juin 1662, le château de Combreux, près de Tournan-en-Brie, Seine-et-Marne, pour la somme de 55 000 livres.

En 1663, il alla avec les armées du roi en Lorraine et participa au siège de Marsal, Moselle.

« Réduction de la place de Marsal en 1663 », peint par Charles Le Brun.

En novembre 1663, Pierre Stoppa donna en son hôtel particulier un souper aux ambassadeurs suisses venus rendre hommage au roi Louis XIV.

Tapisserie des Gobelins représentant l’alliance de Louis XIV
avec les Suisses à Notre-Dame de Paris, 1663.

Les ambassadeurs remarquèrent la munificence de la réception, ce qui confirma leur opinion que Pierre Stoppa était bien en cour et était une personnalité avec laquelle il fallait compter.

L’Espagne n’ayant pas accepté de déléguer les droits de Marie Thérèse d’Autriche au jeune roi Louis XIV, et ce dernier, craignant l’encerclement de son royaume par les possessions espagnoles, déclara la guerre dite « guerre de Dévolution » en 1667.

“Marie Thérèse reine de France” peint par Henri et Charles Beaubrun.
« Louis XIV visitant une tranchée pendant la guerre de Dévolution » .

Le maréchal de Turenne commanda l’offensive. Pierre Stoppa et sa compagnie furent engagés dans les batailles de Tournai en Belgique du 21 juin au 26 juin, de Douai le 7 juillet, puis de Lille où la ville, après avoir réussi à tenir plusieurs jours, capitula le 17 août.

Gravure “Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, (1611-1675)”.

En cette année 1668, Pierre Stoppa participa à la conquête de la Franche-Comté sous le commandement du prince de Condé qui, après avoir victorieusement combattu les Français, fut pardonné par son souverain après le traité des Pyrénées en 1659.

« Louis II de Bourbon Condé dit le Grand Condé », peint par Justus van Egmont

Le roi Louis XIV dut, le 16 juin 1668, se séparer de onze compagnies du régiment des Gardes suisses, dont les capitaines pour la plupart appartenaient aux plus illustres familles de Suisse.

Un jour, Louvois, très économe des deniers du royaume et jamais pressé de payer les soldes des soldats, dit au roi en présence de Pierre Stoppa :

« Sire, on est toujours pressé par les suisses. Si votre majesté avait tout l’argent qu’elle et ses prédécesseurs ont donné aux suisses, elle pourrait paver d’argent une chaussée de Paris à Bâle. »

Pierre Stoppa répliqua : « Cela peut être vrai, sire, mais s’il était possible de ramasser tout le sang que ceux de ma nation ont versé pour le service de votre majesté et celui de ses prédécesseurs, on pourrait faire un canal de Bâle à Paris ». 

C’est de cette pertinente réplique qu’est tiré le titre du livre : « Un canal de sang de Bâle à Paris ».

Pierre Stoppa, au lendemain de la signature du traité d’Aix-la-Chapelle, comprenant que la décision du roi de démobiliser des compagnies de Gardes suisses pour des raisons financières serait désastreuse pour les cantons suisses, conseilla à Louvois de demander au roi de pouvoir lever, avec les hommes démobilisés, des compagnies franches supplémentaires.

“Commémoration du traité d’Aix-la-Chapelle”, peint au plafond de la galerie des glaces du château de Versailles par Charles Le Brun..

Le roi accepta mais en spécifiant que, vu l’état des finances du royaume, ces troupes devaient être payées moins cher, six écus au lieu de sept,et que le recrutement devait se faire à l’insu des cantons suisses.

Pierre Stoppa dut ouvrir des bureaux de recrutements clandestins aux frontières des États frontaliers de la Suisse, en Valteline, dans le Valais, à Genève, dans la principauté de Neufchâtel, dans l’évêché de Bâle et en Alsace; ces territoires n’étant pas à l’époque rattachés à la Suisse.

La manœuvre réussit et seulement 400 hommes retournèrent en Suisse.

Pierre Stoppa eut le privilège de nommer les officiers de ces futures compagnies, qu’il choisit parmi les « gens sans nom » « en échange qu’ils fussent absolument dévoués au service de la France ».

Ce qui avait fait écrire au baron de Zür-Lauben, dans ses ouvrages « Histoire militaire des suisses au service de la France » et « Code militaire des suisses », que le choix de Pierre Stoppa était dû « à la bassesse de son extraction, qui avait inspiré une haine violente contre les grandes familles suisses”.


Portrait gravé par Heinrich Pfenninger de « Beat Fidèle Antoine Jean Dominique de La Tour-Châtillon de Zürlauben (1720-1789) ».

La plupart des cantons suisses désapprouvèrent ces levées, car les recrues de ces régiments furent considérées comme mercenaires puisque moins bien payées que celles du régiment des Gardes suisses ; et les cantons décidèrent d’interdire dans toute la Suisse les recrutements de soldats pour servir la France.

En 1671, le roi Louis XIV sur les instances de Louvois, projeta une guerre contre les Provinces-Unies et chargea Pierre Stoppa de négocier la levée de nouveaux régiments suisses.

Cartes des Provinces-Unies.

À cette époque, les relations diplomatiques entre la France et la Suisse étaient très tendues et la mission difficile à exécuter.

Ce fut donc en pleine crise diplomatique que Pierre Stoppa entreprit la mission que lui avait confiée le roi ; il ne pouvait plus compter sur son ami et témoin à son mariage, François Mouslier, mais heureusement il avait toujours maintenu une étroite correspondance avec le baron Fidèle de Thurn, grand maître de la cour du prince abbé de Saint-Gall et ancien capitaine au régiment des Gardes suisses.

Pierre Stoppa partit de Paris et, de fin juin au 15 juillet, vint se cacher dans un village de l’évêché de Bâle, d’où il envoya des officiers dans les cantons pour sonder les dispositions des principaux magistrats et les préparer à la proposition qu’il allait leur faire.


Carte de l’évêché de Bâle au XVI ème siècle.

Ses émissaires, les capitaines Jean Jacques d’Erlach et François Louis de Muralt se rendirent à Berne et purent mettre dans leurs intérêts Sigmund d’Erlach, futur avoyer de Berne, qui assura que si le roi acceptait d’être le médiateur entre la république de Berne et l’évêque de Bâle au sujet d’une difficulté qui concernait l’abbaye de Moutier-Grandval, une levée dans le canton de Berne ne souffrirait pas de difficulté.

Dès que Pierre Stoppa fut informé de la position du canton de Berne, il retourna à Versailles et obtint de sa majesté qu’il fût le médiateur entre les cantons de Berne et de Bâle.

Carte du canton de Berne vers 1790.

Le roi nomma Pierre Stoppa « Envoyé du roi » pour négocier des levées de troupes dans l’ensemble des cantons suisses, et Pierre Stoppa sans perdre de temps se rendit à Berne.

Le 16 août 1671, Pierre Stoppa comparut devant les sénateurs bernois, qui lui assignèrent des commissaires ; ces messieurs, dont quelques-uns étaient favorables aux Hollandais, firent d’abord naître des difficultés que Pierre Stoppa leva assez facilement.

Pierre Stoppa et Gabriel Gross, secrétaire d’État de la ville de Berne, signèrent une capitulation, le 14 août 1671, pour lever un régiment de 12 compagnies de 200 hommes.

Cette première capitulation peut être considérée comme un spécimen de ce genre de traités et fut le modèle des capitulations qui suivirent : Fribourg le 7 septembre 1671, Bâle le 11 octobre 1671, Mulhaufen le 13 octobre 1671, Appenzell le 6 décembre 1671.

Pierre Stoppa pressa la levée et avança même des sommes d’argent aux capitaines pour leur faciliter les enrôlements, craignant que les Bernois fussent influencés par les ennemis de la France et changeassent d’avis.

Le premier régiment fut donné à monsieur Jean Jacques d’Erlach, capitaine au régiment des Gardes suisses, qui en fut nommé colonel.

Drapeau du régiment d’Erlach.

Poursuivant les levées de troupes, en février 1672, Pierre Stoppa entra en négociations avec la plupart des autres cantons ; celui de Zürich s’opposa, mais presque tous les autres ne se sentirent pas en mesure de refuser de fournir des soldats au roi de France.

Pierre Stoppa constitua trois autres régiments.

Pour le remercier de ces recrutements, le roi, par commission du 17 février 1672, lui donna un régiment et, par brevet du 15 avril de cette même année, le nomma brigadier des armées et colonel de son nouveau régiment.Pierre Stoppa fut le premier officier suisse à être promu brigadier d’infanterie. Son régiment s’appela Stoppa puis ensuite Vieux-Stoppa pour ne pas le confondre avec celui de son frère, Jean Baptiste (II) Stoppa, nommé Jeune-Stoppa en 1677.

Drapeau du régiment Vieux-Stoppa.

Son régiment était avoué par les cantons d’Argovie, de Fribourg, de Soleure et du pays des Grisons.

Des quatre régiments levés lors des capitulations de 1671 et 1672, en plus de ceux attribués à Jean Jacques d’Erlach et à Pierre Stoppa, un fut donné à Jean-Rodolphe de Salis de Zizers du pays des Grisons et un autre à François Pfyffer von Altishofen, seigneur de Wyher, de Lucerne ; tous deux étaient capitaines des Gardes suisses et furent nommés colonels de leur régiment.

Drapeau du régiment de Pfyffer

Lorsque le 6 avril 1672, le roi Louis XIV déclara la guerre aux Provinces-Unies, les forces militaires étaient très importantes : 56 000 hommes se trouvaient sous les ordres du roi en personne, secondé par Condé, de Luxembourg, Turenne et Vauban.

Cinq régiments suisses participaient à cette coalition, dont les régiments d’Erlach et Stoppa.

Le 12 juin, le Rhin est franchi au gué de Tolhuis, permettant à une partie de l’armée française, sous les ordres d’Henri Louis d’Aloigny, dit le « maréchal de Rochefort », d’envahir la province d’Utrecht.

« Le passage du Rhin par l’armée française le 12 juin 1672 », peint par Van der Meulen.

Pierre Stoppa et son régiment participèrent au siège de Doësbourg en Hollande du 17 au 21 juin.

Le jeudi 23 juin 1672, la ville d’Utrecht fut conquise par les troupes du marquis de Rochefort

Le 27 juin 1672, François Henri de Montmorency, futur maréchal de Luxembourg, fut nommé gouverneur de Hollande.

Le colonel Pierre Stoppa fut nommé commandant de la ville d’Utrecht, il assuma cette charge jusqu’au 7 ou 23 novembre 1673.

Maisons du XVI ème siècle à Utrecht.

Pierre Stoppa donna des ordres pour limiter le cantonnement chez l’habitant.

Les officiers ou les soldats n’avaient le droit « qu’au lit, couverture et accessoires, mais pas à l’usage du feu ni de chandelles ».

Le maintien de l’ordre dans la ville exigeait de Pierre Stoppa une grande sévérité.

Pour assurer la sécurité des habitants et contrer l’anarchie que l’occupation entraînait, il ordonna la réquisition de toutes les armes.

Tous les habitants devaient apporter leurs armes à la « Maison-de-la-ville » dans les 48 heures, faute de quoi ils seraient condamnés à payer un écu d’amende par chaque pièce d’arme qui serait trouvée chez eux.

Il fit rechercher les armes dans toute la ville, même dans les orphelinats, les églises et les tombes, où des cercueils furent ouverts !

Louvois, qui avait une grande estime en Pierre Stoppa, fut sûrement à l’origine de sa nomination au poste de gouverneur de la ville. Pierre Stoppa fut son « éminence grise » à Utrecht.

“François Michel Le Tellier dit Louvois (1641-1691)”, peint Pierre Mignard.

Leur correspondance fut régulière et fournie. Louvois questionnait et conseillait Stoppa, et Stoppa informait scrupuleusement Louvois de la situation dans la province, quitte à écrire quelques vérités qui pouvaient heurter certains à la cour.

Pendant toute l’occupation d’Utrecht, Pierre Stoppa eut une attitude très intransigeante vis-à-vis des exactions des soldats français.

Cette attitude fut reconnue non seulement par la population mais aussi par l’état-major français.

Le 21 avril 1673, Louis II de Bourbon, prince de Condé, qui, dès le début, avait participé à l’expédition militaire contre la Hollande, arriva à Utrecht accompagné de son fils Henri Jules de Bourbon Condé et d’une nombreuse suite.

“Henri-Jules de Bourbon Condé”, peint par Claude Lefebvre.

Afin que le prince et son fils eussent leur aise, le mur de séparation entre les nobles demeures du bourgmestre Nellesteyn et celle du conseiller Jacob Martensz fut abattu.

La maison de Condé devant avoir également ses aises, on avait réquisitionné pour monsieur de Recourt, premier maître d’hôtel du prince, la maison de monsieur Everard Booth, conseiller ordinaire auprès de la cour provinciale d’Utrecht et ancien conseiller de l’amirauté.

Le soir de leur arrivée, les Condé furent invités par de Luxembourg ; le lendemain, ce fut Condé qui invita les maîtres d’Utrecht ; puis, pour respecter le protocole, Pierre Stoppa organisa en leur honneur un repas solennel, le 24 avril, auquel son frère Jean Baptiste (II) assista.

Condé, sachant que le philosophe Spinoza résidait non loin d’Utrecht en la ville de La Haye, où il vivait chichement de son métier de polisseur de verres, souhaita le rencontrer.

“Baruch Spinoza, (1632-1677)”.

Pierre et Jean Baptiste (II) Stoppa, en gentilshommes confirmés, organisèrent la visite du philosophe à Utrecht.

Hélas, pour ces deux grands esprits, la rencontre ne put se faire, Spinoza arriva à Utrecht le 27 juillet, le prince avait quitté la ville le 5.

Cependant, Jean Baptiste (II) et son frère eurent de nombreuses occasions de s’entretenir avec Spinoza.

Encouragés par le prince de Condé, qui leur avait dit pouvoir obtenir aisément du roi une pension pour Spinoza, ils vantèrent la générosité du roi et lui parlèrent de sa puissance.

Mais le philosophe refusa leurs bons services et précisa, avec toute la civilité dont il était capable, « qu’il n’avait pas dessein de rien dédier à sa majesté le roi de France ».

Le 23 novembre 1673, exactement 17 mois après en avoir pris le contrôle, Pierre Stoppa quitta Utrecht.

Il remit les clefs de la ville au maire monsieur van der Dussen et lui dit :

« Je vous rends les clefs au nom du roi, conservez-les bien ».

« Remerciez dieu que nous partons d’ici et priez pour que nous ne revenions jamais ».

En quittant Utrecht,Pierre Stoppa se rendit à Nimègue, Pays-Bas, et à Wesel, Allemagne.

En 1674, il revint sur la frontière française et engagea son régiment dans l’armée des Flandres sous le commandement du prince de Condé.

Le 1er février 1674, le grade et les honneurs dus à la charge de colonel général des régiments suisses et grisons furent donnés à Louis Auguste de Bourbon, duc du Maine.

« Le duc du Maine et le comte de Vexin avec madame de Maintenon » (1674),
peint par Pierre Mignard .

Louis Auguste de Bourbon n’avait que 4 ans lors de sa nomination ; les fonctions effectives de colonel général des régiments suisses et grisons furent commises, sauf les honneurs, à Pierre Stoppa, qui exerça cette charge jusqu’en 1688.

Pierre Stoppa put, par la faveur du roi, conserver le régiment qu’il avait levé en février 1672 et dont il était le colonel.

Et comme le mentionne Saint-Simon, « tant qu’il vécut [Pierre Stoppa], un du Maine ne put rien faire aux suisses et ne fit aucune chose ».

“Louis de Rouvroy de Saint-Simon”, peint par Jean baptiste van Loo (1728)

Cette année-là, le roi anoblit Pierre Stoppa sous le nom de Messire de Stouppe, qui devint seigneur de Combreux, près de Tournan-en-Brie.

Il avait acquis le château le 22 juin 1662.

Cette prestigieuse promotion fut connue des messieurs du Conseil d’État de Genève. Ses parents par alliance, Pierre Fabri et Jacques Grenus, lui écrivirent le 18 mars 1674 pour l’exhorter (!) à recommander les intérêts de la famille auprès de la cour de Versailles.

Lors de la terrible bataille de Seneffe, le 11 août 1674, Pierre Stoppa se distingua particulièrement.

« Le duc d’Enghien sauvant son père, le Grand Condé, à la bataille de Séneffe » peint par Bénigne Gagneraux.

En 1675, aux Pays-Bas, il contribua à la prise de Liège, aux sièges de Dinant, de Huy et de Limbourg.

Le 25 février 1676, il fut nommé maréchal de camp.

Les 11, 15 et 18 décembre 1676, Pierre Stoppa fut chaleureusement remercié par le noble Marc Roset, député de la république de Genève à Paris, pour ses bons offices, la chaleur et le zèle avec lesquels il s’employa pour défendre les intérêts de ses compatriotes suisses.

Les années 1676, 1677, 1678, furent des années d’intenses batailles. Les régiments Suisses furent impliqués dans tous les combats Pierre Stoppa, colonel général des régiments Suisses et Grisons, les conduisit de victoire en victoire.

Le 28 juin 1678, il fut nommé, en reconnaissance de ses nombreux faits d’armes, lieutenant-général des armées du roi, et prêta serment au roi dans la plaine des Sablons en présence de son régiment.

Le 1er juillet 1678, le Conseil d’État de la république de Genève adressa une lettre de félicitations à Pierre Stoppa pour sa dignité de lieutenant-général des armées de France.

Le 6 janvier 1680, Pierre Stoppa acheta à Versailles un pavillon pour 18 000 livres.

Le 19 mars 1680, la paix revenue, Pierre Stoppa put recevoir très cordialement le noble Michel Trembley, député de la république de Genève à Paris, en l’assurant « que la république est bien dans l’esprit du roi et qu’il n’y a pas de raison de se trémousser pour des bagatelles et d’envoyer des députations ».

Pierre Stoppa et son épouse permirent à leur « nièce » Anne de La Bretonnière, en religion sœur sainte Ange de l’ordre de saint Benoît au diocèse de Chartres, d’être nommée, à l’âge de 37 ans, supérieure du prieuré royal de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry.

Partie du tableau de Nicolas de Largillière « Anne de La Bretonnière » coll. & crédits Musée de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry.

Le roi donna son accord le 23 novembre 1682 et le pape Innocent XI l’installa dans sa fonction par une bulle publiée le 22 avril 1683.

Le 1er ou le 10 octobre 1685, au château de Fontainebleau, le roi, à son lever, donna à Pierre Stoppa la charge de colonel du régiment des Gardes suisses « en considération des grands services qu’il lui a rendus depuis plusieurs années en différents emplois ».

Pierre Stoppa présenta sa démission de colonel de son régiment Vieux-Stoppa, mais le roi lui fit grâce entière et lui dit qu’il souhaitait qu’il gardât son régiment et également sa compagnie créée en 1657.

Le 15 octobre, le Conseil de la république de Genève écrivit au colonel Stoppa pour le féliciter de sa nomination de colonel du régiment des Gardes suisses.

Au moment de la révocation de l’édit de Nantes, le régiment Vieux-Stoppa se trouvait à Pont-Saint-Esprit, Languedoc.

Première page de l’édit de Fontainebleau, (archives nationales)

Il eut pour consigne d’empêcher l’émigration des religionnaires vers l’Espagne, ce qui n’était pas conforme aux capitulations qui précisaient que les régiments suisses ne devaient pas combattre des protestants.

Pierre Stoppa accepta cependant cet ordre, mais le fit appliquer avec une telle mansuétude qu’il était connu que ses troupes facilitaient plutôt l’évasion que la répression !

Pierre Stoppa s’était battu pendant un demi-siècle pour la gloire de la France et de son suzerain Louis XIV. Couvert d’honneur en 1685, âgé de 67 ans, il ne fit plus de campagne militaire et laissa le commandement à son lieutenant-colonel François de Reynold.

Il continua à s’impliquer dans les rapports entre la communauté protestante de Genève, les diverses délégations des cantons de la Confédération suisse et la cour de Louis XIV. 

Pierre Stoppa durant toute sa vie s’efforça d’être un diplomate et un militaire intègres, il sut aussi montrer une grande générosité et un profond respect à ses obligés.

En 1686 et 1687, une importante délégation de députés du canton de Fribourg, conduite par messieurs Maillard conseiller, Cugy bourgmestre et Prosper Gady banneret, secrétaire de la députation, séjourna en France pour obtenir un remboursement de « la dette française »; dette faite jadis au canton de Fribourg sous les rois Charles IX et Henri III.

Les délégués furent en relation quasi quotidienne avec Pierre Stoppa et également avec son épouse, Anne Charlotte.

De leur vivant, les époux Stoppa firent de nombreux dons à l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry.

Leurs largesses allaient des cadeaux les plus humbles aux donations les plus généreuses.

“Pierre Stoppa, son épouse et sa nièce” peint par Nicolas de Largillière. coll. & crédits Musée de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry.
« Famille Stoppa à genoux, offrant un coffret rempli d’or à Jésus », peint par Jean Hilaire Dolivet, coll. & crédits Musée de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry .

Au décès de Pierre Stoppa, « lui, si riche et puissant, on s’étonna qu’il n’eût pas plus de fortune, la raison fut qu’il combla sa « nièce » de charité ».

Le 7 mai 1687, la Diète de Baden, offusquée de constater que Pierre Stoppa privilégiait les intérêts de ses officiers pour la gloire des armées royales et pour des raisons personnelles, le bannit de Suisse.

Sa majesté Louis XIV, sans se préoccuper de la décision de la Diète, envoya Pierre Stoppa en Suisse pour lever de nouveaux contingents.

Pierre Stoppa entreprit ce voyage accompagné de son épouse, ils furent reçus à bras ouverts, notamment à Fribourg.

De la Suisse, les époux Stoppa se rendirent en pèlerinage à Rome, ils furent reçus par le pape Innocent XI, qui leur offrit une châsse contenant les reliques de sainte Claire.

Le pape Innocent XI (1611-1689).

A leur retour, ils remirent cette précieuse relique à la chapelle de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry.

« Pierre Stoppa et son épouse à genoux, aux pieds du souverain pontife,
avec sur une table un châsse renfermant les reliques de sainte Claire »
peint par Jean Hilaire Dolivet. coll. & crédits Musée de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry .

L’organisation militaire et la bonne marche des compagnies avaient toujours préoccupé Pierre Stoppa.

Le commandement dans les compagnies de suisses reposait jusqu’en 1674 sur le capitaine, le lieutenant et un enseigne.

L’expérience démontra qu’un capitaine ne pouvait suffire dans des compagnies de deux cents hommes et qu’un « second » capitaine était nécessaire pour la cohésion de la compagnie.

Le 15 novembre1687, sa majesté le roi, sur recommandation de Pierre Stoppa, ordonna qu’à compter du 1er janvier 1688 il y aurait dans chaque compagnie suisse, outre le capitaine, un capitaine-lieutenant, un lieutenant, un sous-lieutenant et un enseigne.

En 1688, Louis Auguste de Bourbon, duc du Maine, assura lui-même les fonctions de colonel général des régiments de suisses et grisons.

« Louis Auguste de Bourbon
duc du Maine(1670-1736) » vers 1690,
peint par François de Troy.

Cependant, avec l’accord du duc du Maine, Pierre Stoppa ne s’éloigna jamais très loin et continua d’influencer la bonne marche des régiments.

Le 14 janvier 1689, le roi, pour seconder Pierre Stoppa dans ses multiples fonctions et missions diplomatiques, lui adjoignit un lieutenant-colonel.

Messieurs d’Erlach et de Salis auraient souhaité ce poste mais, ils étaient trop âgés et ce fut le capitaine François de Reynold, ami fidèle de Pierre Stoppa, qui parvint à cette dignité.

Au décès de Pierre Stoppa, le 22 juin 1701, François de Reynold fut promu colonel du régiment des Gardes suisses.

En février 1689, Louis XIV voulut faire de nouvelles levées de troupes en Suisse mais rencontra une forte résistance des cantons suisses protestants, offusqués par la révocation de l’édit de Nantes et soutenus par Guillaume III d’Orange.

“Guillaume III d’Orange-Nassau, (1650-1702)”,
peint par Willem Wissing.

Le 13 avril 1689, Pierre Stoppa réussit, par d’habiles négociations, à obtenir ces levées et, le 30 mars 1690, la ville de Berne se prononça pour le parti français.

Il avait été aussi dit que l’envoyé de Guillaume III d’Orange manquait d’argent !

Indépendamment des recrutements, Pierre Stoppa s’occupa du logement, de la subsistance et de l’instruction des troupes. 

Il fut aussi le promoteur de nombreuses et importantes réformes dans les régiments de suisses.

En 1691, il proposa au roi de former une compagnie de grenadiers dans chaque bataillon des régiments suisses.

Toujours à cette époque, Pierre Stoppa imposa le premier règlement sur les manœuvres et les évolutions des troupes à pied.

Ce règlement fit la force des soldats suisses pendant plus de deux cents ans !

Il décida du nouvel uniforme rouge des régiments suisses; seule la couleur des revers et des parements distinguait les différents régiments.

Le 8 avril 1692, Pierre Stoppa écrivit au conseil de la république de Genève « pour affirmer son affection, l’assurer qu’il considère la république comme sa patrie, et précise qu’il défendra toujours ces intérêts qui lui sont particulièrement chers » !

Son épouse malade, « mais saine d’esprit, gisante sur son lit, dans une chambre avec vue sur le jardin, au premier étage de leur hôtel de la rue Michel-le-Comte à Paris », dicta, les 4 et 5 juin 1694, à maîtres Boscheron et Hurel, notaires au Châtelet de Paris, ses dernières volontés, et désigna son époux comme exécuteur testamentaire.

Anne Charlotte Stoppa de Gondi décéda le 6 juin 1694 à Paris en son hôtel de la rue Michel-le-Comte.

Pierre Stoppa, absent de Paris, ne put assister aux derniers moments de son épouse. C’est son secrétaire monsieur Print qui signa l’acte de décès. Son petit-cousin Abraham Pierre Stoppa qui, était à l’époque sous-diacre du diocèse de Paris, accompagna le corps pour son dernier voyage de Paris à Château-Thierry, où Anne Charlotte Stoppa fut inhumée, le 8 juin 1694, dans la chapelle du monastère de Château-Thierry.

Chapelle de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry.

Pierre Stoppa, bien que profondément affligé par son deuil, ne négligea cependant nullement ses compatriotes.

En septembre 1694, il hébergeait en son hôtel de la rue Michel-le-Comte monsieur de Cambiague, citoyen de Genève, qui était à Paris pour régler des affaires relatives au transit des denrées de la République à travers la France.

Le 9 janvier 1695, Pierre Stoppa recommanda son cousin Barthélemy Pellissari lors de son élection au Conseil des Deux-Cents de la république de Genève. Le Conseil suivit sa recommandation et le remercia d’avoir sollicité l’élection de son cousin !

Le 4 mars 1696, Pierre Stoppa reçut les lettres de créance d’une députation venant de Genève.

Le 25 mai de cette même année, dans un rapport, les ambassadeurs suisses se félicitèrent de l’honneur que leur avait fait sa majesté le roi Louis XIV, lors de la remise de leur lettre de créance, en leur remettant à chacun une chaîne d’or.

Médaille d’or à l’effigie du roi Louis XIV.

Ils furent également reçus par monsieur le prince de Condé, « qui leur a fait beaucoup de civilités, et ils louent monsieur le lieutenant-général Pierre Stoppa, qui non seulement les a régalés plusieurs fois, mais leur a rendu maints services dans leurs négociations ».

Les ambassadeurs mentionnèrent également que le lieutenant-général Stoppa leur envoya son carrosse à six chevaux, pour qu’ils se rendissent au temple de Charenton-le-Pont.

Gravure du “temple protestant de
Charenton-le-Pont” en 1623.

Pierre Stoppa, veuf, âgé et n’ayant pas d’héritier direct, se montra très reconnaissant envers les petits-enfants de son cousin Jean Antoine Stoppa qui lui avait permis de débuter sa brillante carrière dans les armées royales. 

Le 12 décembre 1696, il donna 20 000 livres comme cadeau de mariage à sa petite-nièce Louise Marthe (I) Stoppa, épouse de Jacques Antoine d’Erlach.

Et, au début de l’année 1697, Pierre Stoppa offrit à son arrière-petit-cousin Alexandre Louis François Stoppa à l’occasion de son mariage avec Élisabeth Louise Lotin de Charny, ses terres et son château d’Héricy.

“Château des Stoppa à Héricy”, crédit photo mairie d’Héricy .

En septembre et octobre 1697, la signature du traité de Ryswick, Hollande, qui mit fin à la guerre contre la ligue d’Augsbourg, fut accueillie avec soulagement en Suisse, et permit à Pierre Stoppa, grâce à sa connaissance des relations diplomatiques franco-suisses, de sauvegarder l’alliance militaire entre les deux pays.

Gravure “Chateau du Nieuwburg et ses jardins” pendant les négociations du traité de Ryswick.

Le 15 novembre 1697, le roi autorisa, par ordonnance, Pierre Stoppa à accorder des brevets militaires pour des charges dans les compagnies du régiment des Gardes suisses.

En 1698, Pierre Stoppa rédigea un mémoire sur les cantons suisses et la formation des troupes suisses. 

Ce document et de nombreux papiers militaires écrits par Pierre Stoppa furent transférés par ses héritiers à Genève.

C’est monsieur François de Reynold qui communiqua ce mémoire à monsieur Zür-Lauben.

Portrait gravé par Heinrich Pfenninger de
Beat Fidèle Antoine Jean Dominique
de La Tour-Châtillon de Zür-Lauben, (1720-1799).

Ce dernier mentionna que François de Reynold était grand-oncle de Pierre Stoppa, mais je pense qu’il n’y a pas de liens familiaux entre les deux familles, uniquement ceux de l’amitié des armes, nés d’un même idéal : « servir pour la gloire de la France ».

Pierre Stoppa fit une brillante carrière et fut honoré par de nombreux cantons suisses : il fut élu bourgeois de Coire, de Glaris, de Bâle et de Fribourg, cependant ses privilèges, et tout spécialement celui de nommer les officiers des régiments suisses, lui valurent quelques inimitiés.Pour certaines grandes familles de militaires suisses, la démobilisation de onze compagnies du prestigieux régiment des Gardes suisses décidée par le roi le 16 juin 1668, la création par Pierre Stoppa de compagnies non avouées, composées des « débris » de ces compagnies dont le commandement avait été confié à des capitaines de « basse naissance », créèrent une rancœur jamais pardonnée qui dura trente ans !La Diète des cantons suisses, à l’exception des cantons de Coire, de Glaris, de Bâle et de Fribourg, ne lui a jamais totalement pardonné d’enrôler des hommes « aux rabais », ce qui expliquerait pourquoi ce grand militaire reconnu et estimé en France resta grandement ignoré en Suisse.Le 12 avril 1698, avec son notaire maître Lange, il rédigea un premier testament, dans lequel il privilégiait son neveu Jean Baptiste (III) Stoppa au détriment de ses deux nièces Marie Anne Stoppa, épouse de Jacob Grenus, et Marguerite Stoppa, veuve de Jean Louis Fabri.

Pierre Stoppa savait que son neveu était un brave sur les champs de bataille mais que, piètre gestionnaire, il ne ferait jamais « fortune », alors qu’il reconnaissait que ses nièces étaient beaucoup plus avisées.

Le 13 avril 1699, Pierre Stoppa donna tous les biens qu’il possédait à Château-Thierry à l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry, ce fut le dernier don de son vivant.Le 27 août 1699, Pierre Stoppa devant maîtres Chibert et Boucheron, notaires à Paris, fit une donation entre vifs au profit de sa nièce Marie Anne Stoppa, épouse de Jacob Grenus, de 2 500 livres de rente, provenant de 50 000 livres de capital placées sur les aides de la ville de Paris.

Il précisait dans l’acte que Marie Anne devait payer chaque année 1 000 livres à son frère Jean Baptiste (III).

Malade et âgé, Pierre Stoppa rédigea son (deuxième) testament le 20 mai 1700 ; ce document est conservé dans les « Insinuations du Châtelet », archives nationales cote Y40, fol.32 Vo et 33. Ce testament mentionnait que Pierre Stoppa avait institué comme légataires universels les enfants nés et à naître de son neveu Jean Baptiste (III) Stoppa fils de son frère Nicolas (II),et que l’usufruit lui était réservé ainsi qu’à son épouse, comme il l’avait envisagé lors de la rédaction de son premier testament.

À cette date, Jean Baptiste (III) Stoppa était marié avec dame Anne de Grémingue et n’avait ni enfant ni fortune.

Le testament prévoyait également qu’au cas où Jean Baptiste (III) Stoppa n’aurait pas d’enfant, la nue-propriété de ses biens irait aux enfants de ses nièces : Jean Baptiste et Suzanne de Faverger, Adrienne Marguerite et Marianne Fabri.

À la mort de Jean Baptiste (III) et de son épouse, l’usufruit serait partagé en faveur de ses nièces : Marie Anne épouse Grenus et Marguerite épouse Fabri. Sa troisième nièce, Élisabeth épouse de Faverger, n’est pas mentionnée, car elle était décédée.

L’exécuteur testamentaire était monsieur Valin, maréchal des logis des Gardes suisses.

Pierre Stoppa décéda le 6 janvier 1701 à Paris, en son hôtel 16 rue Michel-le-Comte, son corps fut inhumé, le 13 janvier, près de son épouse dans la chapelle du monastère de Château-Thierry.

Chapelle de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry.

Dans ses mémoires, monsieur de Sourches mentionna : « bien qu’il eût amassé un bien immense pour un homme de son état, il ne laissa pas un sol à ses héritiers, après avoir dépensé des biens immenses ».

« Pas un sol » est quelque peu exagéré, car, bien qu’il eût donné généreusement durant toute sa vie des sommes considérables au monastère de Château-Thierry, son héritage fut estimé à 30 000 livres en principaux de rentes sur les aides et gabelles.

Dessin de “L’hôtel-Dieu de Château-Thierry” par Frederic Henriet.

Sa nièce Anne de La Bretonnière demanda au sculpteur troyen François Girardon de réaliser, dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu, un mausolée représentant la Foi et la Charité et fit graver une plaque de marbre portant l’inscription :

ICY

« repose les corps de Pierre Stoppa

Lieutenant-général des Armées du roy

Colonel de ses Gardes-Suisses

et Dame Anne de Gondi, son épouse,

Bienfaiteurs de cette Maison.

Inhumés dans cette chapelle

en 1694 et 1701 »

DE PROFUNDIS

Tombeau de Pierre Stoppa et de Anne Charlotte de Gondi,
réalisé par François Girardon.

Pierre Stoppa avait toute sa vie montré des qualités exceptionnelles de générosité et d’altruisme. Il fut également un grand militaire et un grand diplomate et fut gratifié de presque tous les grades militaires de l’armée française.

Monsieur Louis Moréri, mentionna :

 « Jamais Suisse ne posséda en même temps en France autant de régiments et de compagnies que Pierre Stuppa ». 

Monsieur l’abbé Jean François Girard dans son « Histoire abrégée des officiers suisses » mentionna :

« Sa haute situation lui permettait de rendre service à de nombreux compatriotes. Ses intentions étaient droites, ses principes solides. Il désapprouva les pillages et les dévastations de la guerre de Hollande dans une lettre datée d’Utrecht à Louvois. Il dénonça au ministre avec indignation et une chaleur qui témoignent en faveur de son désintéressement et de sa probité. La bravoure qu’il montra en tant d’occasions, ses vertus, sa générosité prouvaient qu’il avait gardé jusqu’au dernier moment de sa longue carrière les grandes qualités qui firent à jamais honneur au pays qui l’a vu naître ».

Il précisa : 

« Monsieur de Stouppa fut le seul officier peut-être qui se montra digne de son général par son intégrité » !

Monsieur Camille Rousset dans le beau livre qu’il a écrit sur Louvois mentionna Pierre Stoppa comme 

« Un homme d’honneur, d’esprit et de ressources, bon officier, négociateur habile, capable de tout, même d’improviser »,

et ajouta :

« C’est un bonheur de rencontrer au milieu de tous ces scandales la figure calme, honnête et intelligente de Stoppa ».

Il fut le Suisse le plus célèbre de France !

Portrait de “Pierre Stoppa”.