Anne de La Bretonnière

Anne de La Bretonnière

Anne de La Bretonnière née vers 1645.

Très jeune elle fut pensionnaire à l’abbaye royale de Saint-Remy-des-Landes. Elle prit le voile en 1664 et décéda le 26 octobre 1714.

C’est Pierre Stoppa et son épouse Anne Charlotte de Gondy qui permirent à Anne de La Bretonnière, en religion sœur sainte Ange de l’ordre de saint Benoît au diocèse de Chartres, d’être nommée, à l’âge de 37 ans, supérieure du prieuré royal de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry.

Dessin de “L’hôtel-Dieu de Château-Thierry au XVII ème siècle ” par Frederic Henriet.

Aujourd’hui, le prieuré royal de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry est un musée particulièrement bien documenté pour tous ceux et celles qui s’intéressent à l’Histoire et à l’évolution de la médecine en milieu hospitalier.

Ce musée offre aux visiteurs une collection de plus de 1356 œuvres, remarquablement présentées dans une muséographie très réussie, fruit du travail de madame Micheline Rapine, attachée de direction à l’Hôtel-Dieu, qui, en 1965 et pendant 30 ans, a préservé et inventorié les trésors entreposés depuis des lustres dans le grenier de l’hôpital.

Lors de la visite, le visiteur ressent dans chaque pièce la présence d’Anne de La Bretonnière ainsi que celles d’Anne Charlotte de Gondi et de son époux Pierre Stoppa.

Il s’interroge sur leur parenté et sur la raison de la prodigalité du couple Stoppa.

Anne de La Bretonnière fut-elle la fille adultérine ou la nièce d’Anne Charlotte de Gondi ?

Son étroite parenté avec Anne Charlotte de Gondi lui permit à l’âge de 37 ans d’être promue supérieure du prieuré royal de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry. Le roi Louis XIV donna son accord le 23 novembre 1682 et le pape Innocent XI l’installa dans sa fonction par une bulle publiée le 22 avril 1683.

Jamais le roi n’aurait accordé à une jeune religieuse une telle nomination sans l’influence et les hautes relations à la cour d’Anne Charlotte de Gondi et de son époux Pierre Stoppa.

Le tableau, peint par Nicolas de Largillierre, offert en 1696 par Pierre Stoppa pour orner un salon de l’Hôtel-Dieu, représente au centre son épouse Anne Charlotte de Gondi en robe de cour se tenant près d’un tableau ovale figurant le portrait de son mari, Pierre Stoppa, vêtu à l’antique. À la droite d’Anne Charlotte se tient Anne de La Bretonnière en religieuse, et à la gauche une jeune fille, dont le visage rappelle celui d’Anne Charlotte ou d’Anne de La Bretonnière jeune fille.

“Pierre Stoppa, son épouse et sa nièce” peint par Nicolas de Largillierre. coll. & crédits Musée de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry.
Autoportrait de “Nicolas de Largillierre (1656-1746).

La présence du troisième personnage sur le tableau semble être une preuve supplémentaire de leur étroite parenté.

Qu’Anne de La Bretonnière fut ensevelie entre Anne Charlotte de Gondi et Pierre Stoppa, dans la crypte sous la chapelle de l’Hôtel-Dieu, est la preuve la plus probante de ce lien étroit de parenté.

Cette parentèle expliqua l’exceptionnelle prodigalité d’Anne Charlotte de Gondi et de Pierre Stoppa envers l’Hôtel-Dieu.

En juin 1933, la Société historique et archéologique de Château-Thierry obtint l’autorisation des autorités municipales et de la commission administrative des Hospices de visiter le caveau funéraire et de procéder à l’identification des corps s’y trouvant : les cercueils de Pierre Stoppa, d’Anne Charlotte et d’Anne de La Bretonnière furent identifiés.

Croquis de la sépulture sous la chapelle de l’Hôtel-Dieu de Chateau-Thierry, relevé par E. Salle, architecte des Hospices le 14 juin 1955.

Si les liens de parenté sont indéniables, la question qui se pose alors est de savoir si Anne de La Bretonnière fut la fille ou la nièce du couple Stoppa.

Fille d’Anne Charlotte?

Fille reconnue : la réponse est non, aucune bibliographie mentionne un acte de naissance liant Anne Charlotte de Gondi à Anne de La Bretonnière.

Fille non reconnue : les rumeurs de l’histoire évoquent deux hypothèses :

  • Fille adultérine de Pierre Stoppa ?
  • Fille de Gédéon Tallemant ?

Fille adultérine de Pierre Stoppa ?

Le professeur Alain-Jacques Tornare envisage qu’Anne de La Bretonnière fut la fille illégitime d’Anne Charlotte de Gondi et de Pierre Stoppa, conçue avant le décès de Louis François Colbert. Il précise que le couple Gondi-Colbert se détestait et ne se voyait jamais !

Fille de Gédéon Tallemant ?

Le père d’Anne Charlotte, Jean Baptiste de Gondi fréquentait les salons littéraires parisiens, où la frivolité et même le libertinage étaient « à la mode ». Parmi les personnalités les plus en vue dans ces salons, il y avait les Tallemant des Réaux et plus particulièrement un séducteur impénitent Gédéon Tallemant, qui « cajola les femmes toute sa vie ».

Gravure “Gédéon Tallemant des Réaux,
(1619-1692)”.

Anne Charlotte de Gondi aurait-elle pu se faire séduire ?

Bien qu’aucun document d’archives ne mentionne une liaison entre Anne Charlotte de Gondi et Gédéon Tallemant, il y a cependant un acte du 30 mars 1664 ( Archives nationale cote Y 204, folio 495, notice no 2102) qui informe que Gédéon Tallemant « donna aux religieuses de l’abbaye royale de Saint-Rémy-des-Landes, une pension viagère de 200 livres tournois en faveur d’Anne de La Bretonnière, pensionnaire de ladite abbaye dans laquelle elle a l’intention de prendre le voile ».

En outre, monsieur Prosper Gady, secrétaire de la députation fribourgeoise venu en France en 1686 et 1687 a mentionné, à son retour en donnant les pièces justificatives au canton de Fribourg, que le colonel Jean Jacques d’Erlach lui aurait affirmé qu’Anne Charlotte de Gondi aurait eu deux filles avec un nommé d’Alman et que l’une de ses filles était Anne de La Bretonnière !  Alman ou Tallemant ?

Nièce d’Anne Charlotte de Gondi ?

Pour qu’Anne de La Bretonnière fût la nièce d’Anne Charlotte de Gondi, il faudrait admettre, et les dates concordent, que le père d’Anne Charlotte, Jean Baptiste de Gondi, eût une seconde fille adultérine, que celle-ci fût la maîtresse de Gédéon Tallemant et qu’Anne de La Bretonnière fût née de cette union.

Si l’hypothèse « Anne Charlotte de Gondi n’eut pas de sœur était retenue », il faudrait considérer l’appellation « nièce » dans les actes et documents comme la façon « historiquement correcte » de désigner une fille adultérine.

Il est indéniable, fille ou nièce, qu’Anne de La Bretonnière fut chérie par le couple Stoppa, et cet amour permit à l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry de prospérer pour le plus grand bien de nombreux malades et indigents, et d’être aujourd’hui un musée particulièrement intéressant.